- Avant-propos
Comme l'indiquait Michel Lauwers dans son article du journal L'Echo du 29 novembre 2024 ("85% des PME familiales ne passent pas le cap de la quatrième génération") et qui s'appuie sur une récente étude de Deminor NXT, 63% des PME familiales passent le cap de deux générations et plus que 37% tiennent sur trois générations. Il n'existe que peu de statistiques fiables sur le sujet, une des raisons évoquées sur cette érosion du taux de survie est l'absence d'une gouvernance appropriée. Est pointé également le cumul de trois fonctions (celles de dirigeant, d'administrateur et d'actionnaire) dans plus de 60% des PME, cumul qui est un obstacle à la professionnalisation et à l'apport d'expertises, connaissances et pratiques vitales à la pérennité et au développement de l'entreprise.
Cet article-ci, au titre un peu provocateur, a pour objectif de partager une conviction forgée et l'expérience acquise de l'intérieur sur le rôle essentiel d'un Comité Exécutif et d'une bonne gouvernance au sein de PMEs et de sociétés familiales. Si le rôle et l'attitude d'un patron de PME ou de la figure emblématique d'une entreprise familiale seront un peu bousculés, le but n'est évidemment pas de remettre en question l'importance capitale de ces personnes-clé, ni de porter un jugement de valeur sur les difficultés et résistances réelles qu'elles ont parfois à ouvrir et professionnaliser le mode de collaboration et de décision au sein de leur entreprise.
- Le Comité Exécutif et la gouvernance, seulement pour les grandes entreprises?
Les multinationales ou les grandes entreprises étonnent parfois par la complexité de leur organisation et la lourdeur de leur gouvernance. De manière un peu caricaturale, il n'est pas rare d'y rencontrer des organigrammes peu lisibles, des flux de décision et des transactions "saucissonnés" ou encore des titres de fonction peu évocateurs. Si ces excès et cette lourdeur peuvent effectivement voir le jour, la mise en place et le bon fonctionnement d'une gouvernance et des organes de gestion et de décision dans des grandes structures sont des sujets traités avec énormément d'attention et de rigueur parce qu'ils génèrent à la fois une valeur ajoutée en terme de qualité, de transparence et de pertinence des décisions mais aussi en matière d'anticipation et de gestion des risques inhérents à la vie d'une entreprise.
A l'inverse, les PMEs et les sociétés plus familiales entretiennent, souvent à escient, une simplicité et un grand pragmatisme dans leur mode de fonctionnement. Que le/la patron(ne) soit le fondateur originel, un collaborateur issu de l'entreprise elle-même ou encore un talent importé, il/elle supervise à lui/elle seul(e) une grande partie de la chaîne de valeur de son entreprise. Il ou elle incarne le produit ou le service, intervient sur un très grand nombre de décisions et d'initiatives, sa position et son expérience pèsent fortement sur la réalisation et le résultat de celles-ci. En corolaire, le véritable développement de femmes ou d'hommes de confiance, compétents, pouvant ou devant prendre des initiatives et des décisions est parfois pénalisé. La "profondeur de banc" (en référence à la qualité globale d'une équipe de sport, joueurs effectifs et remplaçants compris) est pauvre, le potentiel d'émancipation des équipes et de l'entreprise potentiellement affecté.
Un comité de direction ou un comité exécutif peut-il donc naître, générer de la valeur ajoutée et s'épanouir dans des plus petites structures? Une gouvernance déssert-elle nécessairement l'agilité et l'efficacité d'organisations de taille plus modeste, plus traditionnelles ou familiales? A contrario, les grandes entreprises sont-elles les seules à devoir et pouvoir mettre en place des équipes et des systèmes professionnalisant et régulant la prise de décision et la gestion des activités?
Dans l'article qui suit, nous rappelons quelques notions, abordons le schéma de supervision et de gestion souvent adopté par défaut en PME ou en société familiale et soulignons la véritable valeur ajoutée du Comité Exécutif et d'une gouvernance dans les entreprises, à condition que quelques principes de base soient bien respectés.
- Le Comité Exécutif
Il y a parfois une confusion entre le terme de "Comité Exécutif" (COMEX, EXCO, Direction Générale) et celui de "Comité de Direction". Le Comité Exécutif représente généralement l'organe de décision et de gestion courante le plus élevé dans une entreprise, pilote les affaires en accord avec le cap stratégique et financier global requis par les actionnaires. Il est composé d'un CEO (Directeur Général ou Président Directeur Général s'il pilote aussi le Conseil d'Administration), des directeurs de fonctions-clé (finance, opérations/production, ressources humaines,...) et potentiellement des patrons des divisions/business unit principales dont les activités par marché ou par gamme de produits/services ont une masse critique dans l'entreprise en question. Le Comité Exécutif est en charge de l'exécution de la stratégie (définie dans un organe prévu à cet effet - Comité de Direction ou Comité Stratégique) validée par le Conseil d'Administration et du pilotage effectif des opérations de l'entreprise et rend compte généralement au Conseil d'Administration au travers de son CEO. Il se réunit à échéances fixes et régulières et couvre un agenda relativement constant et transversal: statut d'exécution des initiatives stratégiques, revue synthétique des opérations (indicateurs-clé), des états financiers (P&L, Bilan, Cash), et supervision généralement directe des matières vitales à la santé, la sécurité et la pérennité des ressources humaines et des infrastructures. Il traite officiellement aussi de points "escaladés": sujets et évènements qui sortent des prérogatives et délégations prévues au sein des départements et de leur(s) directeur(s)/leader(s) respectif(s) ou qui nécessitent une attention et potentiellement une réaction et décision collégiale forte pour contrer un risque majeur ou saisir une opportunité importante. Enfin, le Comité Exécutif est un organe qui doit incarner, au sens littéral du terme, la culture, les valeurs et les comportements attendus de l'ensemble de l'organisation. Par sa grande visibilité et son niveau de responsabilité, il est un catalyseur crucial du respect et de la bonne application de l'ADN de l'entreprise (sa Mission, sa Vision, ses Valeurs) avec exemplarité et conviction.
Un Comité de Direction est quant à lui constitué d'un panel parfois plus large que le Comité Exécutif. Il est généralement composé du CEO, des directeurs de fonctions mais peut également incorporer des titulaires d'expertises pertinentes externes à la société. Il est un organe décisionnel et stratégique plus orienté sur le développement stratégique à long terme de l'entreprise, sur les modifications structurelles de celle-ci (acquisition, ré-organisation majeure, etc...). Il peut se réunir à échéances fixes (notamment pour le processus annuel du plan stratégique), mais il sera aussi sollicité de manière ad-hoc si un sujet ou une actualité ayant un impact potentiel majeur sur le stratégie ou la structure du groupe est identifié.
Pour plus de facilité dans l'article qui suit mais aussi parce que la nuance ou la différence en pratique est faible, inutile ou inexistante dans de nombreuses sociétés, nous nous concentrerons dès lors sur le rôle et les avantages du Comité Exécutif, l'organe à la tête de la gestion de l'entreprise qui rapporte généralement, via son CEO, au Conseil d'Administration et aux actionnaires, et qui est donc un organe central à prévoir dans la mise en place d'une gouvernance en entreprise.
- La gouvernance
La signification de ce terme est très variée et ... variable. Dans un but de simplicité, on appellera gouvernance l'ensemble des règles, des organes et des systèmes qui régissent la gestion, la décision et le contrôle dans une organisation dans le but d'en assurer un fonctionnement transparent, intègre et efficace. Y figurent notamment, de manière non exhaustive, la liste, la définition et les mandats/responsabilités des différents organes (conseil d'administration, comité exécutif, comité d'investissement, comité RSE, comité d'audit, etc...), les mécanismes de délégation de pouvoir et d'approbation (montants maximum ou types de transaction qui peuvent être engagés/approuvés par niveau hiérarchique ou par type de fonction), les formats et contenus des différents outils de communication, de reporting et de décision (KPI, Dashboard, rapports d'activité), et potentiellement aussi d'autres standards utiles pour baliser le bon fonctionnement, la collaboration et le respect de valeurs et principes au sein-même de l'entreprise et vers l'extérieur.
A noter que s'il n'y a ni gouvernance rédigée ni partagée au sein d'une organisation il ne peut pas y avoir non plus d'organe ou de règles de supervision et de gestion qui fonctionnent véritablement et efficacement. De manière un peu caricaturale, instaurer un permis de conduire sans prévoir un code de la route ouvre automatiquement la voie à des comportements et des interprétations infinies de ce qui est prudent, raisonnable, acceptable en matière de conduite...
- La direction "atomique" de certaines PME et entreprises familiales
Beaucoup de PME et de sociétés familiales se construisent et se structurent autour d'un patron omniprésent et omnipotent. Le patron a souvent été le porteur de projet (le fondateur), il en est parfois aussi le propriétaire exclusif ou principal, ou en est un des héritiers dans un objectif de continuité et de respect de l'ADN de l'entreprise à long terme. Il incarne très souvent l'histoire, la marque et la société tant en interne que sur le marché, il dispose généralement d'une connaissance approfondie de tous les aspects opérationnels de son organisation et possède un réseau professionnel informel puissant et efficace. Si l'on devait représenter ou symboliser le mode de fonctionnement en PME et de certaines sociétés qui maintiennent un ancrage familial fort, et en tout cas dans les premières années de leur existence, on pourrait le faire à l'aide du schéma structurel d'un atome. Le noyau en position centrale représentant la patronne ou le patron, et les "électrons" en périphérie identifiant les collaborateurs, les clients, les fournisseurs... Les flux d'informations, les étapes d'un grand nombre de transactions (achat, vente, dépenses OPEX ou CAPEX, recrutement,...), les interactions internes et externes, les processus de décision ou d'approbation transitent majoritairement par le centre, par le noyau. Les "électrons" interagissent peu entre eux (ou en réfèrent au noyau) et restent généralement en périphérie des décisions et des sujets majeurs traités par le noyau. La cohésion et la solidité de l'atome (de l'entreprise) est assurée par les liens forts, voire personnels, que noue le noyau bilatéralement avec des électrons-clé, des collaborateurs qui ont souvent intégré l'entreprise à ses débuts en faisant preuve d'un certain courage et qui ont démontré leur loyauté au cours des années.
En terme de gouvernance, l'histoire et la culture souvent fortes dans ces types d'entreprises, le rôle emblématique et pivot qu'a joué ou joue encore le CEO (surtout s'il est le fondateur et/ou le propriétaire principal), les expertises, les informations et le réseau dont il est parfois le seul dépositaire, définissent tacitement les contours et les principes de décision et de contrôle au quotidien. Il est considéré comme logique et légitime, tant en interne qu'en externe (fournisseurs, clients) que le/la patron(ne) décide ou intervienne en solo sur une grande majorité des sujets et des opérations qui ont trait à l'entreprise, et d'autant plus s'il s'agit de sa propre entreprise.
Cette structure "atomique" et cette gouvernance "tacite" peuvent fonctionner parfaitement tant que la PME, par choix ou par circonstance, ne dépasse pas une taille critique. Chacun y trouve sa place, ses repères et des automatismes assez simplement ou instinctivement. De manière parfois un peu plus sournoise, les collaborateurs sont contents et rassurés d'avoir des décisions totalement centralisées et concentrées chez une même et seule personne, le patron joue le rôle de paratonnerre qui les dispense de potentielles mauvaises décisions, donc de griefs et de potentiel stress.
Mais qu'en est-il quand la PME ou la société familiale devient plus complexe, qu'elle grossit, se développe en terme de nombre de collaborateurs, en terme de structure légale ou d'exploitation, en nombre et fréquence de transactions? Que se passe-t-il quand le CEO n'est plus nécessairement le fondateur originel avec toutes les connaissances et compétences initiales et son réseau historique? Comment gérer et piloter l'entreprise quand le marché ou la technologie dans lesquels l'entreprise évolue change rapidement ou profondément et nécessite l'appoint régulier de nouvelles expertises qui ne peuvent pas toutes être couvertes par son patron? Que faire encore quand le nombre de sollicitations et d'attentes des parties prenantes (clients, actionnaires, banques, organismes de contrôle ou de certification) et le cadre règlementaire augmente progressivement, parfois rapidement, et aboutissent par habitude ou par défaut, sur le bureau ou dans la boîte mail du directeur générale/de la directrice générale?
La maîtrise totale et unipersonnelle ou unilatérale des sujets critiques devient impossible. Malgré la grande disponibilité et le niveau souvent exceptionnel d'implication du patron ou de la patronne, centraliser chez cette même personne la totalité ou grande majorité des sollicitations, réflexions et décisions n'est plus réaliste. La direction "atomique" devient potentiellement contre-productive, voire même dangereuse pour l'avenir-même de l'entreprise. La gouvernance tacite et les pratiques habituelles de supervision et de gestion deviennent dépassées et risquées pour le développement pérenne de l'activité.
- Les Risques et opportunités du Comité Exécutif
Les plus grosses réserves, les craintes, voire les préjugés émis à l'égard d'un véritable Comité Exécutif et d'une gouvernance au sein de plus petites organisations peuvent être résumés par quelques mots-clé: lenteur/lourdeur, déconnection du terrain, politique, coût et dé-responsabilisation. Ces risques, s'ils existent et sont souvent évoqués par les patron(ne)s "atomiques", occultent une toute autre réalité et biaisent la valeur ajoutée et le bon fonctionnement d'une direction générale plus collégiale.
Lenteur et lourdeur? Associer davantage de personnes à un processus de décision ou à l'exécution d'une initiative majeure peut effectivement prendre plus de temps. Le "On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même" ou le "j'ai déjà fait face à ce sujet dans le passé et sais comment le traiter" sont alors brandis! S'il est incontestable qu'informer, voire consulter, des collaborateurs est consommateur de temps et d'énergie, la véritable question à mettre en regard de cet effort supplémentaire est la suivante: que va-t'on gagner à terme en qualité de coordination, de support et d'implication au sein de l'entreprise si l'on prend le temps d'étendre le périmètre de discussion et de consultation à un cercle de collaborateurs professionnels plus large? Combien de fois n'avons-nous pas eu l'expérience d'une décision ou d'une initiative majeure, individuelle et non concertée prise par un(e) patron(ne) ou un manager plus généralement dans le but de frapper vite, de frapper fort, mais qui s'est soldée par un échec, une incompréhension, voire une résistance des collaborateurs pourtant cruciaux à son succès? Qu'est-ce qui est plus chronophage et énergivore? Partager et associer ou décréter et justifier? Utiliser un organe comme le Comité Exécutif, permet de s'informer qualitativement et objectivement sur un sujet, puis de cascader, aligner et démultiplier l'action de la direction au sein des différentes équipes et services. C'est le principe-même de construction d'une coalition: plus elle est large et profonde, plus elle est puissante.
Quid ensuite de décisions ou actes à poser rapidement quand le/la patron(ne) n'est pas disponible? La société, des clients ou des partenaires doivent-ils être toujours tributaires de la disponibilité de son CEO? N'est-ce pas là parfois précisément que réside le frein ou l'obstacle à une décision ou à une initiative rapide?
Attention, comme tout organe collectif et collaboratif, le Comité Exécutif doit effectivement fonctionner de manière efficace. Cela se fait en balisant dès le départ ses responsabilités, sa fréquence, sa durée, son agenda-type et son modus operandi. Chaque occurence d'un Comité Exécutif se prépare et doit déboucher systématiquement sur un nombre limité et documenté de délivrables: (1) des informations critiques et vitales, voire confidentielles et indispensables à la bonne compréhension d'une situation importante, (2) des décisions majeures de nature stratégique ou opérationnelle, (3) des actions majeures à exécuter et coordonner entre les services et les équipes de l'entreprise. Dès l'instant où le CEO et chacun des membres du Comité Exécutif respectent ce "contrat de prestations", le volume et la qualité des débats, des décisions et des actions peuvent potentiellement être bien supérieurs à ceux gérés par une seule personne.
Au-delà du Comité Exécutif proprement dit et plus globalement, la gouvernance ne peut pas se traduire non plus par une inflation de procédures et d'organes de gestion et de contrôle. Si la culture ou les valeurs du "simple et efficace" sont au coeur-même de l'entreprise, la gouvernance sera à son image. A titre d'illustration, au sein de plus petites structures, un Comité Exécutif peut cumuler le rôle d'instance d'approbation des investissements (comité d'investissement) ou encore celui de la construction et mise à jour de la stratégie (comité stratégique) si et tant que cela est nécessaire.
Autre exemple de la nécessité mais aussi de le fluidité que peut très bien avoir une gouvernance: le contrôle de transactions critiques. Si l'on prend l'exemple courant de la gestion des prix dans une petite ou moyenne entreprise, un flux de contrôle et d'approbation peut facilement être automatisé avec la plupart des systèmes informatiques actuels et peut se cantonner à un nombre minimum d'étapes ou d'intervenants. Ces transactions critiques ne sont donc plus exclusivement contrôlées par un seul et unique patron qui peut, et c'est humain, commettre lui aussi des erreurs. Le principe-même de contrôle des transactions sur les prix et les remises permet par ailleurs à l'organisation de développer des données et des statistiques fort utiles à une véritable stratégie de prix (analyse de sensibilité au prix, analyse de profitabilité par gamme de produits ou segments-client, analyse des prix de la concurrence...). Un(e) patron(ne) en PME, tout en conservant une partie de ses prérogatives de "Directeur Ultime des Ventes " permet alors à son entreprise et à l'équipe de ventes de développer une vraie compétence de positionnement de prix, de négociation, et une prise de conscience sur la protection ou l'amélioration des marges commerciales.
Déconnexion du terrain? Même dans une plus petite structure où il est attendu des collaborateurs de conserver une implication et une attention totales dans les opérations, mettre sur pied un Comité Exécutif ne déconnecte pas ses membres des opérations. Préparer un réunion de la direction générale et y participer impose obligatoirement à ses membres de faire des aller-retours réguliers avec leurs équipes respectives pour y puiser des faits, des chiffres, des recommandations ou des expertises. Même si le membre d'un Comité Exécutif dispose d'un pouvoir autonome de décision et d'une expertise reconnue, il doit solliciter son équipe, valoriser la connaissance et les compétences de ses collaborateurs directs. Il ne sera considéré comme légitime, et le restera, que s'il est en prise directe et régulière avec la réalité opérationnelle de ses équipes, s'il la côtoie et la comprend...
En sens inverse, pour déployer et exécuter efficacement des décisions prises au plus haut niveau de l'entreprise, les membres du Comité Exécutif n'ont pas d'autre alternative que de s'impliquer personnellement auprès de leurs collaborateurs. Prendre le pli de fermer la boucle d'un processus de décision en expliquant en terme simples le pourquoi, le qui, le quoi et le comment ne peut que faciliter et accélérer l'exécution ou la mise en conformité d'une décision de la direction dans l'entreprise. Fini le "y a qu'à" ou le "faut qu'on" ("Yaka-Faucon") qui sont probablement les injonctions les plus démotivantes et contre-productives pour une équipe. Même si une décision ou une initiative prise par la direction fera rarement l'unanimité (ou que certaines doivent même se prendre en tout confidentialité!), le simple fait d'avoir été construite et mise en oeuvre sur un processus d'aller-retour entre les responsables d'équipes et les opérations permet d'augmenter significativement sa vitesse et sa puissance d'exécution!
Politique? Un Comité Exécutif est parfois perçu comme une instance de lobby, de jeu d'influence et de rapport de pouvoir. Ou encore de boîte noire dans laquelle des choix sont posés avec opacité. Pourtant, en quoi une direction générale composée de plusieurs membres officiels, légitimes et compétents serait plus politique ou influençable qu'un(e) patron(ne) "solo"? N'y a-t-il pas beaucoup plus d'opacité et des risques d'influence dans ce que l'on appelle en anglais "a shadow organization" (une organisation de l'ombre), une organisation officieuse où les relations privilégiées du patron avec certains membres de son entreprises, relations souvent historiques ou basée sur certaines affinités, pèsent lourdement et secrètement sur les choix et les décisions qu'il pose? Rappelons tout de même que si le Directeur Général peut et doit disposer exceptionnellement d'un espace de décision et d'arbitrage unilatéral, il bénéficie avant tout, au travers des autres directeurs, de sources d'informations plus complètes, plus nuancées et d'expertises complémentaires pour appréhender une situation ou un évènement et déboucher sur une décision éclairée.
Que dire alors de la nature précisément apolitique de la gouvernance en général? Le simple fait de décrire et de documenter le mode de fonctionnement et les règles de gestion et de décision de l'entreprise permet de mettre des gardes-fou, d'assurer davantage de cohérence et de transparence dans les actes posés par les différents responsables d'équipes, les différents leaders ou directeurs. En revenant à l'exemple de la conduite automobile, l'existence et la sévérité d'une infraction ne sont pas laissées à la seule appréciation d'un policier ou d'un juge, elles reposent sur un code de la route qui donnent un canevas clair tant à l'automobiliste qu'à ceux qui veillent à son respect.
Coût? S'il est légitime de reconnaître le niveau de responsabilité, le niveau d'expertise, de performance et/ou d'ancienneté au travers de la rémunération, la structure de coût d'une entreprise devient-elle automatiquement beaucoup plus lourde si elle dispose d'un véritable Comité Exécutif ? Le fait de prévoir des niveaux hiérarchiques et des catégories de fonctions, notamment au travers de la mise en place d'une direction ou de postes de leaders/managers, ne permet-il pas précisément à une PME de structurer une politique de rémunération crédible et objective plus globalement? Combien de PME ne sont pas confrontées, après quelques années d'existence, à des incohérences totales en terme de politique salariale? Le résultat de discussions individuelles, parfois non documentées et plus opaques entre un patron et ses collaborateurs au sein d'une entreprise "atomique" débouche inéluctablement sur des inégalités de traitement, des incohérences qui toutes vont, tôt ou tard, déboucher sur des ajustements coûteux effectués en urgence ou sur des démotivations ou des résignations tout aussi coûteuses de collaborateurs pourtant critiques à la vie de l'entreprise.
La mise en place d'une direction générale n'implique pas non plus automatiquement l'ajout d'Equivalents Temps Plein (ETP). Elle confère plutôt à une série de personnes compétentes et reconnues par leurs pairs un périmètre de responsabilités et de devoirs. Elle implique effectivement la création d'une nouvelle catégorie de fonctions avec un régime de rémunération spécifique qui doit être attractif, mais les fonctions de Direction Générale impliquent par essence un niveau d'exigence et d'attentes plus élevés envers ceux qui les briguent! Comme tout bon investissement, le/la patron(ne) de PME, le Conseil d'Administration peut et doit, au travers de la mise en place de postes à haute responsabilité, attendre une valeur ajoutée élevée et exiger un niveau d'implication, de courage et d'exemplarité d'autant plus importants.
Dé-responsabilisation? Un des derniers griefs à l'encontre d'un Comité Exécutif et souvent avancé est de faire transiter par cette organe des actions et des décisions qui par la passé se prenaient à un niveau plus opérationnel. Le Comité Exécutif deviendrait en quelque sorte un "aspirateur" d'une multitude de sujets à traiter, un bidule qui brasse superficiellement trop de sujets, avec un risque d'engorgement et une "démission ou dé-responsabilisation" des niveaux plus opérationnels dans l'organisation.
Le plus souvent, cet argument est utilisé par des patrons que l'on pourrait parfois qualifier de "control freak" et qui vident eux-mêmes, consciemment ou inconsciemment, une grande part des responsabilités de ses collaborateurs directs, qu'ils soient organisés au sein d'une direction ou pas. Ne sachant précisément pas eux-même se détacher d'une gestion très opérationnelle (le syndrome du micro-management) par manque de confiance, par un souci très louable de conserver une grande implication et connexion avec les affaires, ou encore par attachement viscéral à leur entreprise, ces patron(ne)s omnipotent(e)s et omniprésent(e)s n'entretiennent-ils/elles pas eux-même une dynamique déresponsabilisante? Comme évoqué plus haut, l'hyper-centralisation et concentration des pouvoirs d'approbation et de décision a comme effet très pervers de déresponsabiliser plus globalement les collaborateurs, de faire disparaître tout esprit d'entreprise, d'initiative ou d'innovation, pourtant vital dans le parcours d'une entreprise.
Si une gouvernance définit clairement les seuils critiques (en terme financier ou de niveau de risque) à partir desquels les différents niveaux hiérarchiques et fonctions doivent exercer leurs prérogatives, il est tout à fait possible d'éviter l'engorgement de sujets en Comité Exécutif et de conserver à chaque niveau de l'organisation le niveau adéquat de consultation et d'implication.
Professionnalisation et pérennité. En somme, lorsqu'une entreprise se développe, grandit ou doit se transformer pour des raisons endogènes ou exogènes, créer et faire fonctionner un Comité Exécutif permet à un Directeur Général, à un(e) fondateur(trice) d'entreprise et/ou à son actionnariat de véritablement entrer dans une dynamique de professionnalisation, d'acquisition de compétences et de mobilisation des équipes. Asseoir la bonne compréhension de sujets critiques sur un groupe plus large de dirigeants démultiplie la qualité et la quantité d'informations pertinentes à la prise de décision et peut augmenter sensiblement aussi la rapidité et l'efficacité des mesures à prendre. Chaque membre du Comité Exécutif veille à exploiter les expertises de ses collaborateurs directs respectifs et veille personnellement, en sens inverse, à coordonner et à s'impliquer dans la bonne exécution des décisions prises et des choix posés. Le contrat de confiance passé entre un Conseil d'Administration et son Comité Exécutif, entre le CEO et ses partenaires de Direction Générale envoie un message fort à l'ensemble de l'organisation, aux collaborateurs et partenaires de l'entreprise: on investit dans des profils et dans un organe de décision qui doit relayer les problèmes et les opportunités, qui doit être force de propositions et de solutions et, enfin, qui est mandaté pour la bonne organisation et le suivi des mesures à prendre à partir de seuils critiques. Le corollaire de ces seuils critiques étant précisément que les sujets, les transactions ou décisions qui ne les atteignent pas, doivent être traités par les individus ou les équipes qui disposent de l'autonomie et des compétences nécessaires pour le faire (en anglais on parle "d'empowerment" et de "ownership").
Entourer un(e) patron(ne) emblématique et "atomique" de directeurs compétents et motivés ne renie pas non plus l'histoire, la culture, l'ADN d'une entreprise ou encore le rôle qu'il ou elle doit encore y jouer. Cela ne le coupe pas non plus des liens forts qu'il ou elle a noué avec les collaborateurs, les partenaires et les clients de la première heure, cela ne marque pas non plus son désintérêt ou son désinvestissement dans l'entreprise, ni ne le/la prive d'interactions directes avec des interlocuteurs vitaux. L'étape importante de mise sur pied d'un Comité Exécutif et d'une gouvernance simple et limpide permet de développer et pérenniser une entreprise en tablant sur la force et les talents d'un collectif qui adhère totalement aux ambitions, à la vision et aux valeurs d'une entreprise et de ses actionnaires, qui fonctionnera avec un haut niveau d'exigence, beaucoup de transparence, de compétences, d'exemplarité et de leadership.
Le Comité Exécutif est un des organes-clé à prévoir et faire fonctionner dans le cadre de la mise en place d'une vraie gouvernance en entreprise. L'efficacité et la rapidité ou agilité de celui-ci dépendront fortement de la simplicité et de clarté de la gouvernance plus générale prévue dans l'entreprise. La valeur ajoutée du Comité Exécutif sera bien évidemment aussi fonction de la qualité des membres qui la composent et du niveau de confiance et d'autonomie que lui accorderont l'actionnariat et ou le patron/la patronne en place! Comme dans toute relation humaine ou aventure entrepreneuriale, on récolte ce que l'on sème...
Dans un prochain article, des exemples concrets d'outils et d'attitude à adopter par un Comité Exécutif pour remplir au mieux son rôle seront abordés.